Les reproducteurs populaires dans l’élevage des chiens de race

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Les mâles populaires diminuent la diversité génétique d’une race.
C’est un principe de base dans l’élevage, tous les éleveurs canins travaillant dans des livres des origines fermées le savent.
L’idée de cet article m’est venu à la lecture du dernier bulletin n°63 du Club de Race ABNF. Dans ce bulletin figure des statistiques très intéressantes d’origine SCC (LOF Select). Parmi ces statistiques, figure le nombre de naissances sur les 6 dernières années, le nombre de portées par affixe sur les 6 dernières années, l’évolution des identification ADN, du suivi des dépistages santé etc… Bref, tout un tas de statistiques utiles pour ceux qui portent un intérêt à la race. Cependant, un tableau m’a interpellé ; celui des reproducteurs populaires sur les 6 dernières années.

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Je ne peux malheureusement pas partager le tableau ici, le club interdisant toute reproduction même partielle sans autorisations. Mais ce n’est pas grave, le sujet me paraît fort intéressant pour être développé plus longuement ici…Dans ce tableau, on y voit donc une liste de 76 étalons utilisés pour saillies sur les 6 dernières années. Le nombre de portées par étalon pour chaque année est mentionné. Quelques coquilles figurent sur ce tableau comme l’absence de quelques étalons Français qui ont pourtant bien reproduit sur la période donnée, il y a également des doublons d’étalons, et le nombre de portées n’est pas tout à fait correcte du fait de naissances survenues en fin d’année 2019 mais déclarées tardivement en début d’année 2020. Mais cela n’enlève en rien à l’intérêt du document.

Pour la dernière année (2019), je cite le compte rendu de la Commission Saarloos « seul un étalon a été utilisé 2 fois, les 13 autres l’ayant été une seule fois », et de conclure « c’est une excellente ligne de conduite pour garder la variabilité génétique de la race »…

Et là je reste un peu dubitatif quant à cette conclusion… Restreindre le raisonnement sur la dernière année (2019) pour juger de la bonne répartition des étalons sur les portées Françaises n’est pas du tout significatif à mon sens. D’autant plus lorsque je lis dans le même bulletin que la population Saarloos Française serait plus diversifiée que la population Hollandaise (au sujet d’une collaboration possible inter Clubs de race pour la reproduction au niveau Européen – SWD-I)…. Cette dernière phrase mériterait d’ailleurs d’être développée davantage ; en effet, qu’entend-on par « plus diversifiée » ?

  • Diversifiée sur le plan génétique ? Comment le sait-on ? les Français n’étant que peu adeptes de MyDogDNA, seule l’analyse ADN permet de connaître la diversité génétique d’un individu, son niveau d’hétérozygotie.
  • Diversifiée sur le plan des lignées ? Par quel moyen aurait-on obtenu une population Française de chiens-loups de Saarloos plus diversifiée ? Le livre des origines est fermé ; la reproduction est faite en consanguinité avec des lignées tout aussi restreintes ; les producteurs Français sont peu enclins à traverser les frontières pour aller chercher des mâles étrangers ; aucun programme officiel d’outcross connu.
  • Diversifiée sur la bonne utilisation des reproducteurs ? c’est justement tout l’intérêt que représente ce tableau même si une période plus longue que les 6 dernières années aurait permis d’en savoir un peu plus sur les habitudes d’élevage en France…

Revenons donc à ce tableau, et poussons un peu plus loin son analyse.

Le Saarloos « Y » (appelons-le comme cela par souci de discrétion) a donc été utilisé une seule fois en 2019… Cependant, le tableau montre également qu’il a été utilisé 8 fois entre 2014 et 2018. Nous arrivons donc à un total de 9 portées (au sein du même élevage) dont 3 avec la même chienne pour 30 chiots. Les 9 portées représentent en tout 61 chiots… Est-ce cela « une excellente ligne de conduite pour garder la variabilité génétique de la race » ?

Mais ce n’est malheureusement pas fini… Observons davantage la fratrie du Saarloos « Y » ; ce dernier a également un frère (appelons-le « Y’ » qui fait également parti de ce tableau). Le Saarloos « Y’ » a de son côté reproduit 4 fois (sur 2 élevages) et engendré 24 chiots… Toujours au sein de la même fratrie, le Saarloos « Y » utilisé à 9 reprises a également une sœur (appelons-la « X ») qui a reproduit à 3 reprises et engendré 12 chiots (même élevage que le Saarloos « Y »). Enfin le Saarloos « Y » a également une deuxième sœur (appelons-la « X’ ») qui a également reproduit à 2 reprises et engendré 11 chiots. Est-ce que l’on peut toujours parler de variabilité génétique de la race ? 61 chiots pour un même étalon et plus d’une centaine de chiots sur la fratrie qui se compose de 4 individus ?

Et des exemples comme celui-ci, le tableau en fournit d’autres à différents niveaux…

On pourrait également se poser la question, pourquoi le Saarloos “X” a été utilisé en 2019 par l’élevage « A » bien que ce Saarloos “X” avait déjà procréé 7 fois (représentant plus d’une trentaine de chiots)… Même question pour le Saarloos “Z” choisit par l’élevage “B” en 2019 alors qu’il avait déjà reproduit 5 fois au sein de l’élevage “C” pour 29 chiots, portant ainsi sa descendance à 34 chiots en 2 ans et demi de temps…

Un autre élément apparaît à l’analyse de ce tableau ; les étalons étrangers ne représentent que 0.04% de la liste des étalons listés sur la période 2014 – 2019… Pourtant, un étalon étranger, aux lignées plus rares, a plus de chances de contribuer à l’amélioration de la « variabilité génétique ». Ce pourcentage insignifiant refléterait-il finalement, un désintérêt des éleveurs Français à la contribution de cette « variabilité génétique » de la race ?

Tout ceci m’a donné envie d’écrire sur la fréquence d’utilisation des reproducteurs en France et de vous poser la question ; selon vous, est-ce qu’une limite doit être officiellement fixée par les Clubs de Race de chaque pays quant à la fréquence d’utilisation des géniteurs ? Aux Pays-Bas, pays d’origine du Saarloos, les deux Clubs de Race ont une charte différente sur ce point ; l’un limite à 4 saillies réussies pour un étalon, l’autre limite un même étalon à 2 saillies maximum avec possibilité d’autorisation du club pour une 3ème saillie réussie… En France, rien n’est stipulé ; « le Club de Race préférant privilégier l’éducation des éleveurs en expliquant les risques ». (sic)

Quels seraient pour vous les critères qui justifieraient l’utilisation répétée de reproducteurs dits « populaires » ?

La diversité génétique de la race n’est-elle pas passée le plus souvent en arrière-plan dans les projets de saillies ?


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3 pensées

  1. Limiter les saillies alors qu’il n’y a déjà pas beaucoup de reproducteurs…Pas sûre que ce soit la bonne solution. Ou alors limiter mais par pays, comme un forfait. 2 aux Pays-bas, puis 2 en France, etc. Cela obligerait les éleveurs à faire bien plus appel à des étalons étrangers et les propriétaires d’étalons à envoyer la semence au-delà des frontières pour brasser davantage le pool génétique de la race.

    Les doubles saillies sont aussi une solution. Cela permet d’explorer plus de combinaisons génétiques en limitant le nombre de portées par chienne.

    On pourrait également ne pas reproduire un mariage s’il a été prolifique, mais cela nécessite de fixer un seuil. A partir de combien de chiots estime-t-on qu’un mariage est suffisamment génétiquement représenté, tant par le nombre que par la proportion de mâles et de femelles ? Et si aucun des chiots n’est destiné à une carrière de reproducteur ?

    D’où l’intérêt d’encourager les particuliers propriétaires de mâles à faire toutes les démarches nécessaires pour proposer leur chien comme étalons et diversifier le “catalogue” des reproducteurs. Pour les femelles c’est plus compliqué. Gérer une portée de A à Z n’est pas dans les capacités de tout le monde. Ou alors en les plaçant sous contrat d’élevage. Elles retournent vivre chez leur éleveur si la gestation est confirmée et il s’occupe de tout jusqu’au départ des chiots.

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