Les idées reçues dans l’élevage du chien de race

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La génétique dans l’élevage du chien de race peut paraître compliquée. Mais plus on s’y intéresse, meilleures seront les décisions à prendre au moment de planifier des portées. Cela semble évident, mais il existe encore et toujours des idées reçues dans l’élevage du chien de race qui continuent de se répandre et qui sont… fausses.
Vous avez probablement déjà entendu toutes ces idées reçues d’éleveurs et peut-être en avez-vous vous-même sûrement répété certaines. Mais quelles sont ces contre-vérités ?

Temps de lecture estimée : 12 minutes


Reproduire seulement les MEILLEURS entre eux

« Tu ne devrais pas faire reproduire ce chien qui n’est pas parfait ». Mais, tout comme à l’école, des élèves «au-dessus de la moyenne» peuvent également avoir de l’intérêt… Si les parents d’une portée sont des chiens de qualité, leur progéniture héritera de gènes de qualité mais peut-être pas toujours avec la meilleure combinaison d’allèles… Au fil des générations, de consanguinité et de sélection du meilleur des meilleurs, une grande partie de la diversité génétique d’origine des parents aura été perdue…

Dans l’élevage du chien de race, l’amélioration par la sélection nécessite de conserver une variabilité génétique. Pour ne pas perdre ces précieux gènes, il suffit d’adopter une politique de groupes d’individus présentant les caractéristiques recherchées. Ainsi, au travers de différents mariages, l’objectif d’amélioration d’un trait caractéristique sera atteint tout en préservant la variabilité génétique. Les objectifs à court terme de l’éleveur ne rentrent pas en contradiction avec la durabilité à long terme de la population reproductrice.
Faire des portées pour soi ou pour la race, telle est la question…

Les meilleurs ne sont pas forcément ceux que l'on croit.
Source : Use of Bell Curve in Performance Appraisals – Empxtrack.

La consanguinité est nécessaire pour préserver LE TYPE

Les gènes du type dans une race sont fixés dans les premières générations après la formation de la race. Une fois que la race a les qualités qui la définissent, une consanguinité supplémentaire augmente seulement l’homozygotie des autres gènes du chien. Le fonctionnement du métabolisme et donc la santé du chien en sera impactée… S’il y a des mutations parmi les milliers de gènes du chien (et soyez certain qu’il y en a !), la consanguinité produira par inadvertance des mutations par paires (homozygotes) pour certains gènes. A cause de ces mutations, tout ce qu’un gène normal était censé faire sera chamboulé.

Consanguinité chez le chien de race
Niveaux de consanguinité pour 112 races de chiens.
Trait horizontal vert = consanguinité de 6.25%.
Trait horizontal jaune = consanguinité de 12.5%.
Trait horizontal rouge = consanguinité de 25% .

Source : Institute of Canine Biology

D’autres animaux domestiques présentent des types clairement reconnaissables mais avec des niveaux de consanguinité beaucoup plus faibles que ceux des chiens de race. Ainsi, la majorité des races de chevaux se situent en-dessous des 12.5% de consanguinité soit deux à trois fois moins que les chiens de race…

Consanguinité chez le cheval
Niveaux de consanguinité pour une quarantaine de races de chevaux. Les traits horizontaux de couleurs ont les mêmes valeurs que pour le graphique des chiens ci-dessus.
Source : Institute of Canine Biology.

Comment les populations d’animaux sauvages arrivent-elles à préserver un type cohérent avec des niveaux de consanguinité bien plus faibles que ceux des chiens de race ? Et cerise sur le gâteau, comment les populations d’animaux sauvages parviennent-elles à rester en bonne santé depuis des milliers de générations sans aucun tests de santé qui plus est ?

Pourquoi la diversité génétique fonctionne bien avec tous les animaux sauvages de la planète mais pas avec nos chiens ? Pourquoi les éleveurs d’autres races d’animaux domestiques le comprennent mais pas les éleveurs de chiens de race ?


“Il faut fermer le livre des origines pour protéger la race

Si le livre généalogique est fermé, vous ne pouvez plus que reproduire par consanguinité. Des gènes du patrimoine génétique de la race seront perdus par sélection et par «dérive génétique» (due au hasard) à chaque génération. Lorsque vous démarrez une race avec un pool de gènes fondateurs et que vous en perdez à chaque génération sans pouvoir être remplacés, ce pool de gènes sera finalement épuisé. La conséquence est connue et maintes fois documentée par de très nombreuses études scientifiques : les individus qui évoluent au sein d’une population fermée finissent par disparaître.

Les contre-vérités dans l'élevage canin.

Vous pouvez facilement vérifier par vous-même cette affirmation avec un bol d’M&M’s posé sur la table basse. Vous préférez les M&M’s bleus mais comme vous n’en remettez pas dans le bol au fur et à mesure que vous en mangez, à un moment donné, il n’y en aura plus. C’est exactement pareil pour l’élevage : vous ne pouvez sélectionner que si vous avez la variabilité génétique suffisante pour pouvoir le faire… Si l’argent est la monnaie du commerce (parce que l’argent vous permet d’acheter des choses), alors la diversité allélique est la monnaie de la sélection en élevage. Vous ne pouvez pas améliorer une caractéristique s’il n’y a pas suffisamment de variation dans les allèles pertinents entre les individus. CQFD.

Toutes les populations fermées ont ou vont disparaître, d’autant plus si la taille de leur population effective (les reproducteurs) est petite. Vous pouvez en être sûrs, c’est inévitable ! Le Kennel Club Anglais (KC) a d’ailleurs reconnu cette possibilité il y a quelques années et a créé une liste de races de chiens en danger de disparition.


“Je sais ce qu’il y a dans mes lignées

Vous connaissez probablement les allèles dominants : ils masquent l’expression d’allèles récessifs. Il est impossible de connaître les allèles récessifs qui se cachent dans le patrimoine génétique de vos lignées tant que l’expression est masquée par un allèle dominant. On peut « démasquer » les récessifs en utilisant la consanguinité, car comme nous l’avons vu ci-dessus, la consanguinité est un révélateur d’homozygotie et d’expression des gènes, qu’ils soient bénéfiques ou délétères. Ou alors, les éleveurs peuvent éviter la consanguinité, ne pas se soucier des récessifs et laisser l’organisme du chien fonctionner comme une machine bien huilée.

Les idées reçues dans l'élevage canin

Un outcross introduit de nouvelles maladies

Dans l’élevage du chien de race, le terme « outcross » ou « croisement » est un gros mot… L’outcross utilise deux individus non apparentés à la même race au cours d’une saillie. L’outcross est, selon encore une majorité d’éleveurs, responsable de tous les maux d’une race ; il introduirait entre autres de nouvelles maladies. Pour autant, l’outcross n’importe pas de nouvelles maladies mais une nouvelle distribution d’allèles, dont certains seront probablement des mutations récessives, certes. Cependant, les mutations simples ne produisent généralement pas de maladies. Un individu porteur d’une mutation récessive n’est pas malade… En fait, comme indiqué dans le paragraphe précédent, la plupart des mutations récessives sont masquées par des allèles dominants fonctionnant tout à fait normalement et ne produisant aucun effet néfaste. Cela porte même un nom : la superdominance (ou surdominance).
Éliminez ce problème en suivant une règle simple de la génétique dans l’élevage :

Pour que les mutations soient rares, il faut que le niveau de consanguinité soit le plus faible possible.
(Et fuyez les mâles populaires !)

Les contre-vérités dans l'élevage canin.

La vigueur hybride ne s’applique pas aux chiens

L’effet d’hétérosis, nommé également « vigueur hybride », se traduit par un gain de performances qui résulte du brassage des différents allèles de lignées différentes. Il annule les « tares » des lignées « pures ».

Dans l’élevage du chien de race, les éleveurs ont remarqué que la consanguinité avait l’avantage d’améliorer la prévisibilité et l’uniformité de la progéniture. Mais la consanguinité avait aussi un effet qui pouvait être généralement décrit comme une “perte de vigueur”. Ces effets pourraient être très subtils et même être négligés. Ils pourraient être considérés comme la variation normale de la qualité d’un groupe d’animaux. Mais la recherche au cours des 100 dernières années a confirmé que ce phénomène est réel et porte un nom : la dépression de consanguinité.

La consanguinité augmente l’homozygotie créant ainsi une dépression de consanguinité dont les effets négatifs peuvent être appeler «perte de vigueur».
L’hétérosis – ou vigueur hybride – est quant à elle, l’inverse de la perte de vigueur par augmentation de l’hétérozygotie génétique.

Une homozygotie accrue est la résultante d’une dépression de consanguinité. Par conséquent, la réduction de la dépression de consanguinité qui résulte de l’augmentation de l’hétérozygotie est une hétérosis. C’est aussi simple que ça.
Et non, la vigueur hybride ne nécessite pas d’espèces différentes. En fait, la plupart des hybrides inter-espèces sont stériles et pas terriblement vigoureux…

La consanguinité s’appliquant aux chiens, la vigueur hybride s’applique également aux chiens…

Rien ne vous fera paraître plus bête que de déclarer que la vigueur hybride ne s’applique pas aux chiens.

Les contre-vérités dans l'élevage canin

Un chien de race PURE est en meilleure santé qu’un CHIEN DE RACE MIXTE

Combien de fois avez-vous entendu cette affirmation ?
Elle a même été reprise par la FCI au travers de son Président Tamas Jakkel et publiée dans le blog de la FCI suite à une étude menée sur 100.000 chiens. Cette intervention filmée et disponible en replay a pour titre : «Préserver les races, démystifier les mythes»… La bonne blague…

L’étude utilisée par la FCI pour laver l’honneur des chiens de race et continuer à diffuser ses messages de propagande était basée sur un panel constitué de 83.000 chiens non apparentés à une race et de 18.000 chiens de races pures. Les résultats sont très clairs : il y a plus de mutations trouvées chez les chiens de races mixtes que chez les chiens de race pure. Bilan logique puisque les chiens de race mixte ont plus de diversité génétique, avec un niveau d’hétérozygotie plus élevé que celui des chiens de races pures. Par conséquent, plus de chances de trouver des mutations… Mais sont-elles pour autant homozygotes et affectent-elles le chien ? Ou sont-elles hétérozygotes et inoffensives ?

« Plus de mutations» ne signifie pas « plus de maladies »…

Les probabilités qu’une portée issue d’un couple de chiens de race mixte puisse hériter de deux allèles identiques à un locus donné est faible, contrairement aux chiens de races pures… Le niveau plus élevé d’homozygotie des chiens de race pure tend davantage vers l’hérédité des maladies et à leur risque d’expression. Contrairement aux chiens de race mixte qui par définition sont issus d’une population plus hétérogène avec une bien meilleure diversité génétique.

Les idées reçues dans l'élevage canin

Les chiens de race pure ne sont pas en meilleure santé que les chiens de race mixte simplement parce qu’ils ont moins de mutations trouvées dans leur génome… Il faut dépoussiérer la FCI et toutes les sociétés canines affiliées qui continuent de prétendre le contraire !


Conclusion

Sans l’éducation, vous n’avez aucun moyen de savoir si les choses que vous pensez connaître sont réellement vraies ou fausses. Les nombreux mythes et légendes qui circulent dans le milieu de l’élevage canin, amplifiés par les réseaux sociaux sont sur-représentés. Il est temps de remettre l’église au centre du village et de redonner de l’importance à l’éducation dans l’élevage canin.
La génétique dans l’élevage du chien de race peut paraître compliquée et pourtant, elle est incontournable.
La génétique est la base de l’élevage et pourtant, elle est la plus méconnue et la plus mal comprise par les éleveurs.
Il est capital que les éleveurs gardent l’esprit ouvert et qu’ils ne restent pas campés derrière des contre-vérités passéistes et dépassées.
Comment les éleveurs pourraient produire de beaux chiens en bonne santé s’ils ignorent les règles du jeu ?
L’importance de l’éducation dans l’élevage canin est primordial !
Pour apprendre les bases de la génétique dans l’élevage de chiens, consultez les cours en ligne de l’ICB

Sources :
Institute of Canine Biology – Carol Beuchat PhD
Let’s kill the breeder mythsTraduction et adaptation par Khalibisnya Maginwulf.
Why do mixed breed dogs have so many mutations?


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