La bonne utilisation des tests de santé

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Bienvenue dans l’ère de l’avènement des tests de santé pour les chiens. Grâce aux progrès de la science, les éleveurs peuvent faire dépister leurs chiens des mutations génétiques inhérentes aux races qu’ils élèvent. Reproduire sans faire au préalable les tests de santé disponibles est considéré comme le comble de l’irresponsabilité. Le mantra des éleveurs responsables est de clamer haut et fort que leurs chiots proviennent de parents “entièrement dépistés” des maladies héréditaires de la race qu’ils élèvent.
Les dépistages des maladies héréditaires sont censés être un argument incontournable du sérieux de l’éleveur.
Mais est-ce le meilleur moyen pour réduire au maximum les risques de troubles héréditaires ?
Les tests de santé sont en général utilisés de la mauvaise manière et nous allons voir pourquoi.

Temps estimé de lecture : 14 minutes



La sélection des étalons

Check-list de l'éleveur de chiens de race pour la sélection d'un étalon.

Nous voulons faire reproduire une chienne parce qu’elle possède des qualités que nous estimons intéressantes pour la race. Pour cela, nous avons sélectionné cinq étalons. Nous les avons classé en fonction de leur conformation et de leur caractère. Nous avons également pris en compte d’autres critères qui nous semble pertinent. Le classement s’effectue par un système de notation d’étoiles.

Classement des étalons selon leur conformation, leur tempérament ainsi que tout autre critère pertinent

Les dépistages des maladies héréditaires

La première chose à faire est de récupérer tous les résultats des tests de santé des étalons pour les mutations récessives connues de la race.
Prenons comme exemple la race du chien-loup de Saarloos pour laquelle il y a la myélopathie dégénérative et le nanisme hypophysaire.

Résultats des tests de santé pour la myelopathie dégénérative et le nanisme hypophysaire.

Nous avons également le résultat de la lecture officielle de la dysplasie des hanches et des coudes ainsi que le résultat de l’examen du fond de l’oeil pour l’atrophie progressive de la rétine (APR).

Résultats des dépistages des maladies héréditaires du chien-loup de Saarloos au moyen des tests de santé disponibles

Nous avons maintenant nos étalons « testés pour la santé ». Parmi eux, nous allons devoir sélectionner l’étalon parfait pour notre chienne. Mais aussi prévoir un plan B au cas où la saillie avec le mâle choisi ne fonctionne pas comme prévu.

Sélectionner la meilleure combinaison possible

Les résultats des tests de santé des chiens montrent que le mâle n°2 est porteur de la mutation de la myélopathie dégénérative. Notre femelle est également porteuse de la même mutation. Leur combinaison produirait 25% de chiots homozygotes au gène responsable de la maladie. Nous choisissons donc de retirer cet étalon de notre liste. Ainsi, nous avons réduit le risque de produire des chiots atteints de 25% à 0%.

Checklist complet pour la sélection d'un étalon en tenant compte des résultats des tests des maladies héréditaires du chien-loup de Saarloos.

Au regard des dépistages des maladies héréditaires ainsi que de notre système de notations des étalons, nous décidons de sélectionner le mâle n°1 pour notre projet de saillie. Le mâle n°4 est gardé en plan B. Un autre éleveur aurait peut-être fait un choix différent d’ailleurs. Comme toute sélection, il y a toujours une part subjective dans la hiérarchie des critères utilisés pour sélectionner.

Les chaleurs arrivent et il faut faire le long déplacement vers le mâle qui se trouve dans un pays étranger. La saillie fonctionne et deux mois plus tard notre chienne produit une belle portée de chiots. Ces derniers sont présentés comme il se doit sous tous les angles avec de jolies photos toutes aussi belles les unes que les autres. Ces photos sont publiées sur le site internet de l’élevage et sur ses réseaux sociaux.
Nous annonçons bien sûr fièrement que nos chiots proviennent de parents entièrement dépistés pour la santé. Une sélection d’élevage s’applique sur un des chiots pour notre programme d’élevage. Puis nous plaçons le reste de la portée chez des familles aimantes.


Les problèmes arrivent

Les problèmes arrivent. Un de nos adoptants nous informe que son chien souffre d'un grave trouble sanguin héréditaire.

Quelque temps plus tard, un des propriétaires des chiots nous contacte. Il nous informe que son chien souffre d’un grave trouble sanguin héréditaire. Il nous demande comment cela est-il possible ? En effet, nous lui avons affirmé qu’en tant qu’éleveur responsable, nos chiots provenaient de parents entièrement dépistés ! Alors comment cela est-il possible ?

Avec les tests de santé, nous savons seulement ce que nous pouvons savoir

Or, on ne peut savoir si un chien possède une mutation que si nous avons un test pour cela ! Nous avons fait tous les tests de santé disponibles pour connaître le statut des mutations récessives connues des parents. Mais les chiens ont de nombreuses mutations récessives qui se cachent dans leur génome. Malheureusement, il n’y a pas de tests de santé disponibles pour celles-ci. Nous n’avions aucun moyen de savoir si ces mutations récessives étaient présentes tant qu’elles ne s’expriment pas.

De toute évidence, il y avait une mutation chez nos parents que nous ne connaissions pas. Nous nous sentons mal. Nous proposons des solutions de médiations à notre adoptant. Puis nous nous replongeons dans les pédigrees pour comprendre ce qui a bien pu se passer. Comment avons-nous pu produire un chiot avec une maladie génétique après avoir été si prudent ? Tous les dépistages des maladies héréditaires avaient pourtant bien été effectués.

Il est impossible de connaître les mutations récessives qui se cachent dans vos lignées si vous n’avez aucun moyen de les détecter !

S’il n’y a pas de test de santé pour une mutation récessive, une maladie peut soudainement apparaître à l’improviste. Y compris au sein de ses propres lignés pour peu que l’on accouple deux porteurs. C’est pourquoi, si un éleveur prétend qu’il ne reproduit qu’avec ses propres lignés parce qu’il “sait ce qu’il y a dans ses lignées”, vous savez maintenant que soit il ne comprend rien à la génétique, soit il est malhonnête.

Eviter de marcher sur des mines !

Les maladies héréditaires connues et inconnues chez le chien de race sont comme un champ de mines : certaines sont signalées et d'autres non.

Bon, c’est bien joli tout ça, mais cela nous mène dans une impasse. Tous les chiens possèdent des mutations récessives et il y en aura toujours que nous ne connaîtrons jamais. Par conséquent comment se donner les moyens de les éviter ?

Cela ressemble à la traversée d’un champ de mine dans lequel il y aurait trois mines que vous ne pouvez pas voir (mais qui vous sont signalées par un drapeau) et 37 autres mines qui se cachent quelque part. Un mauvais pas et vous rencontrerez votre créateur. Si les 3 mines signalées sont les mutations récessives pour lesquelles nous avons des tests de santé et les 37 autres sont des mutations récessives inconnues qui se cachent dans le génome du chien, vu sous cet angle, c’est une manière risquée de faire de la reproduction, ne trouvez-vous pas ?

La bonne conduite d’élevage pour limiter les risques de mutations génétiques

Ne pas se soucier de réduire au maximum le risque des maladies récessives lors de la préparation d'une portée de chiots revient à jouer à la roulette russe.
La roulette russe

Et maintenant, imaginons qu’il y a un deuxième champ de mines. Vous avez le choix de traverser l’un des deux.
Le premier champ contient donc trois mines que vous connaissez et que vous pouvez éviter. Mais 37 autres mines y sont cachées.
Le deuxième champ compte également trois mines signalées mais seulement sept autres sont cachées. Si vous voulez réduire les risques de marcher sur une mine, vous déciderez logiquement de traverser le deuxième champ. En effet, le risque de s’y faire exploser ne représente que 20% du risque de l’autre.

Comment cela s’applique-t-il à l’élevage de chiens ? Tirons le rideau et révélons les mutations invisibles chez les chiens de notre programme d’élevage. Ces mutations récessives inconnues n’ont pas de tests de santé disponibles chez le chien.

Les mutations récessives inconnues pour lesquelles nous n'avons pas de tests de santé disponibles.

Maintenant, nous pouvons voir le problème. Notre chienne n’a pas une mais trois mutations que l’on retrouve également chez nos étalons qui étaient pourtant “entièrement dépistés”. Maintenant que l’on peut voir ces autres mutations, nous nous rendons compte que notre sélection de l’étalon numéro un s’est avéré être un très mauvais choix…

Super, dites-vous. Mais dans le monde réel, si nous n’avons pas de tests pour ces mutations inconnues, il n’y a donc aucun moyen de les éviter, non ?

Le taux de consanguinité

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Taux de consanguinité génétique

En fait si, il y en a un : le taux de consanguinité estimé de la portée. N’oubliez pas que la consanguinité est définie comme la probabilité d’hériter de deux copies du même allèle. Par définition, la consanguinité est donc l’homozygotie. Si le taux de consanguinité d’un chien est de 25%, la probabilité d’hériter de deux copies du même allèle est de 25%. Si cet allèle se trouve être une mutation récessive, le risque de produire un trouble génétique provoqué par cette mutation récessive est également de 25%. De même, si le taux de consanguinité est de 10%, le risque de trouble génétique produit par une mutation récessive est également de 10%.

Pour la sélection de notre étalon, nous avons effectué les dépistages des maladies héréditaires pour éliminer le risque de 25% de produire un trouble génétique récessif pour une mutation connue : la myélopathie dégénérative. Mais nous venons d’expliquer que le taux de consanguinité estimé de la portée nous aurait indiqué le risque de produire un trouble génétique à partir de N’IMPORTE QUELLE mutation récessive ; celles que nous connaissons ET celles que nous ne connaissons pas.

Nous pouvons agir sur le risque de maladies génétiques de toutes les mutations récessives en utilisant le taux de consanguinité estimé de la portée.

Et si c’était à refaire ?

Revenons à notre liste d’étalons et rajoutons une ligne pour faire apparaître les taux de consanguinité estimés de la portée pour chaque combinaison.

Le taux de consanguinité estimé de la portée est un élément primordial dans la sélection d'étalon dans un programme d'élevage de chiens de race.

Si nous testons pour la myélopathie dégénérative et que nous éliminons les étalons porteurs, il serait contre productif de sélectionner l’étalon n °1 étant donné le taux de consanguinité estimé de la portée de 40%… Nous avons payé des tests de santé pour les chiens afin d’éliminer le risque de 25% de la mutation connue, puis nous avons fait une combinaison avec 40% de risque de produire un trouble héréditaire à partir d’une autre mutation que nous ne connaissons pas…

Attendez… Relisons cela !

Nous avons testé et éliminé les étalons porteurs afin qu’il n’y ait aucune chance de produire des chiots affectés par la mutation connue, puis nous avons fait une combinaison avec un étalon “sain” pour 40% de risque de produire des chiots avec un trouble d’une autre mutation que nous ne connaissons pas…
Euh… allô Houston, nous avons un problème !

Revenons à ce que nous savons sur le taux de consanguinité. Si notre portée a un taux de consanguinité estimé de 10%, alors le risque de TOUTE mutation causant un problème “n’est que” de 10%. Y compris les mutations pour lesquelles nous avons payé pour les tester ! Des parents apparentés à 10% sont moins similaires génétiquement que des parents apparentés à 40%. Si les parents ont moins d’allèles en commun, il y a moins de chances qu’un chiot hérite de mutations récessives.

Les risques de troubles génétiques sont liés au taux de consanguinité.


Conclusion

Conclusions : ne gaspillez pas votre argent pour des tests de santé si vous continuez de reproduire avec un risque élevé d'engendrer des maladies...

Dans l’élevage canin, les éleveurs ont toujours eu peu de considération sur la façon dont leur sélection pour leur prochaine portée affecte la génétique de la race, ce qui met les objectifs à court terme en contradiction avec la durabilité à long terme de la population reproductrice.

Tous ces tests de santé sont une perte de temps et d’argent si nous choisissons des parents qui produisent une portée avec un taux de consanguinité de 40% !
C’est le mauvais moyen d’utiliser les tests de santé pour les chiens.
L’éleveur croit qu’il a tout fait pour produire des chiots qui vivront longtemps et en bonne santé grâce aux dépistages des maladies héréditaires.
Mais en fait, l’éleveur a seulement signalé les mines avec des drapeaux dans son champ…
Il ne tient pas compte des nombreuses autres mines restées invisibles.
Pire, l’éleveur contribue lui-même à disséminer d’autres mines invisibles sans se rendre compte qu’il prend sa part de responsabilité dans l’augmentation des maladies héréditaires pour lesquelles il faudra à nouveau trouver de nouveaux tests de santé.
C’est tout sauf un cercle vertueux. C’est même le contraire…

Pour produire des chiens en bonne santé, nous devons réduire le plus possible le risque de problèmes causés par TOUTES les mutations récessives. Celles que nous connaissons ET celles que nous ne connaissons pas.

Le taux de consanguinité génétique EMBARK pour réduire le risque des mutations génétiques

Vous pouvez estimer ce risque à partir du taux estimé de consanguinité génétique de la portée donné par Embark. En effet, vous pouvez leur soumettre une liste d’étalons que vous avez sélectionné pour votre projet de mariage. Bien sûr, ces étalons devront au préalable avoir été génotypés chez Embark.

Il est inutile d’investir de l’argent dans des tests de santé pour les chiens tout en continuant de produire des portées avec un taux de consanguinité élevé…

Il faut utiliser tous les dépistages des maladies héréditaires connues pour les chiens afin d’éliminer les risques de mutations que nous connaissons. mais il faut également utiliser les taux de consanguinité de la portée et de préférence, utiliser les taux établis à partir de données issus de l’ADN, tels que ceux d’Embark car les données issues des pédigrees ne sont pas fiables… Ainsi en procédant à ces deux étapes indissociables, nous nous assurons de réduire autant que possible le risque de mutations inconnues qui se cachent dans le génome de chaque chien. C’est le meilleur moyen pour réduire au maximum les risques de maladies récessives.

Un éleveur responsable doit s’assurer qu’il a éliminé tous les risques de mutations récessives connues en utilisant tous les tests de santé disponibles pour les chiens et qu’il a réduit au maximum les risques de produire des chiots atteints de mutations récessives inconnues en sélectionnant une combinaison qui produira une portée dont le taux de consanguinité sera le plus faible possible.


Sources :


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