Les idées reçues dans l’élevage du chien de race

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La génétique dans l’élevage du chien de race peut paraître compliquée. Mais plus on s’y intéresse, meilleures seront les décisions à prendre au moment de planifier des portées. Cela semble évident, mais il existe encore et toujours des idées reçues dans l’élevage du chien de race qui continuent de se répandre et qui sont… fausses.
Comme une mouche dans une cuisine, il semble qu’aucune tapette ne parvienne à éliminer ces contre-vérités… Éleveurs et passionnés, libérez-vous de ces mythes ! Embrassez la vérité et la science. Vous avez probablement déjà entendu toutes ces idées reçues d’éleveurs et peut-être en avez-vous vous-même sûrement répété certaines. Mais quelles sont ces contre-vérités ?

Temps de lecture estimée : 11 minutes


Reproduire seulement les MEILLEURS entre eux

« Tu ne devrais pas faire reproduire ce chien qui n’est pas parfait ». Mais, tout comme à l’école, des élèves «au-dessus de la moyenne» peuvent également avoir de l’intérêt… Si les parents d’une portée sont des chiens de qualité, leur progéniture héritera de gènes de qualité mais peut-être pas toujours avec la meilleure combinaison d’allèles… Au fil des générations, de consanguinité et de sélection du meilleur des meilleurs, une grande partie de la diversité génétique d’origine des parents aura été perdue…

Dans l’élevage du chien de race, l’amélioration par la sélection nécessite de conserver une variation génétique. Pour ne pas perdre ces précieux gènes, il suffit d’adopter une politique de groupes d’individus présentant les caractéristiques recherchées. Ainsi, au travers de différents mariages, l’objectif de l’éleveur sera atteint tout en se donnant les chances de préserver au mieux la variabilité génétique. C’est un processus plus long que de marier le meilleur des meilleurs…Faire des portées pour soi ou pour la race, telle est la question…

Pour en savoir plus : notre article sur la consanguinité, les pratiques.

Les meilleurs ne sont pas forcément ceux que l'on croit.
Source : Use of Bell Curve in Performance Appraisals – Empxtrack.

La consanguinité est nécessaire pour fixer la race

Les gènes du type dans une race sont fixés dans les premières générations après la formation de la race. Une fois que la race a les qualités qui la définissent, une consanguinité supplémentaire augmente seulement l’homozygotie des autres gènes du chien. Le fonctionnement du métabolisme et donc la santé du chien en seront impactées… S’il y a des mutations parmi les milliers de gènes du chien (et soyez certain qu’il y en a !), la consanguinité produira par inadvertance des mutations par paires (homozygotes) pour certains gènes. A cause de ces mutations, tout ce qu’un gène normal était censé faire sera chamboulé.

D’autres animaux domestiques présentent des races clairement reconnaissables mais avec des niveaux de consanguinité beaucoup plus faibles que ceux des chiens de race. Chez les chevaux, la majorité des races se situent en-dessous des 12.5% de consanguinité…

Pour en savoir plus : notre article sur la consanguinité, le niveau de consanguinité du chien de race.

Consanguinité chez le chien de race
Source : Institute of Canine Biology.

Niveaux de consanguinité pour 112 races de chiens.
Trait horizontal vert = consanguinité de 6.25%.
Trait horizontal jaune = consanguinité de 12.5%.
Trait horizontal rouge = consanguinité de 25% .
Avec ses 54% de consanguinité, le chien-loup de Saarloos se situerait parmi les 5 premières races de ce graphique, aux côtés du Basenji et du bull terrier…

Consanguinité chez le cheval
Source : Institute of Canine Biology.

Niveaux de consanguinité pour une quarantaine de races de chevaux. Les traits horizontaux de couleurs ont les mêmes valeurs que pour le graphique des chiens ci-dessus.


“Il faut fermer le livre des origines pour protéger la race

Si le livre généalogique est fermé, des gènes du patrimoine génétique de la race seront perdus par sélection et par «dérive génétique» (due au hasard). Lorsque vous démarrez une race avec un pool de gènes fondateurs et que vous en perdez à chaque génération sans pouvoir être remplacés, ce pool de gènes sera finalement épuisé. La règle d’or de la génétique dans l’élevage du chien de race : “les individus qui évoluent au sein d’une population fermée finissent par disparaître”.

Vraiment ? Est-ce toujours vrai ??? En fait, non… Il existe un troupeau de bovins très célèbre : les taureaux blancs de Chillingham. Ces animaux vivent à l’état sauvage à l’abri d’un enclos d’environ 140 hectares depuis 700 ans dans le parc de Chillingham au Northumberland en Angleterre. Ils n’auraient pas subi de croisements avec d’autres bovidés depuis plusieurs siècles et sont l’exception emblématique… Mais toutes les autres populations fermées ont disparu, et la vôtre le sera aussi, vous pouvez en être sûrs ! Le Kennel Club Anglais (KC) a d’ailleurs reconnu cette possibilité il y a quelques années et a créé une liste de races indigènes devenues vulnérables en raison de leur nombre décroissant.

Pour en savoir plus : notre article sur la consanguinité, les effets.

Les contre-vérités dans l'élevage canin.

Vous pouvez facilement vérifier par vous-même cette affirmation avec un bol de M&M’S posé sur la table basse. Vous préférez les bleus mais comme vous n’en remettez pas dans le bol, à un moment donné, il n’y en aura plus. Puis vous vous rabattez sur les autres couleurs mais n’en remettez toujours pas de nouveaux ; à un moment donné, le bol sera vide…


“Je sais ce qu’il y a dans mes lignées

Vous connaissez probablement les allèles dominants : ils masquent l’expression d’allèles récessifs. Il est impossible de connaître les allèles récessifs qui se cachent dans le patrimoine génétique de vos lignées tant que l’expression est masquée par un allèle dominant. On peut « démasquer » les récessifs en utilisant la consanguinité, car comme nous l’avons vu ci-dessus, la consanguinité est un révélateur d’homozygotie et d’expression des gènes (bons ou néfastes). Ou bien, on peut éviter la consanguinité, ne pas se soucier des récessifs et laisser le chien fonctionner comme une machine bien huilée.

Pour en savoir plus, lire notre article sur la consanguinité, les reproducteurs populaires

Les idées reçues dans l'élevage canin

Un outcross introduit de nouvelles maladies

Dans l’élevage du chien de race, le terme « outcross » est presque un gros mot… Il s’agit de l’utilisation de deux individus non apparentés à la même race au cours d’une saillie. Responsable de tous les maux d’une race, il introduirait entre autres de nouvelles maladies. Pour autant, l’outcross n’importe pas de nouvelles maladies mais de nouveaux allèles, dont certains seront probablement des mutations récessives. Cependant, les mutations simples ne produisent généralement pas de maladies. En fait, comme indiqué dans le paragraphe précédent, la plupart des mutations récessives sont masquées par des allèles dominants fonctionnant normalement et ne produisant aucun effet néfaste. Éliminez ce problème en suivant une règle simple de la génétique dans l’élevage du chien de race : faites en sorte que les mutations récessives restent rares et fuyez les reproducteurs populaires !

Les contre-vérités dans l'élevage canin.

La vigueur hybride ne s’applique pas aux chiens

L’effet d’hétérosis, nommé également « vigueur hybride », se traduit par un gain de performances qui résulte du brassage des différents allèles de lignées différentes. Il annule les « tares » des lignées « pures ».

Dans l’élevage du chien de race, les éleveurs ont remarqué que la consanguinité avait l’avantage d’améliorer la prévisibilité et l’uniformité de la progéniture. Mais la consanguinité avait aussi un effet qui pouvait être généralement décrit comme une “perte de vigueur”. Ces effets pourraient être très subtils et même être négligés. Ils pourraient être considérés comme la variation normale de la qualité d’un groupe d’animaux. Mais la recherche au cours des 100 dernières années a confirmé que ce phénomène est réel et porte un nom : la dépression de consanguinité.

La consanguinité augmente l’homozygotie créant ainsi une dépression de consanguinité dont les effets négatifs peuvent être appeler «perte de vigueur».
L’hétérosis – ou vigueur hybride – est quant à elle, l’inverse de la perte de vigueur par augmentation de l’hétérozygotie génétique.

Une homozygotie accrue est la résultante d’une dépression de consanguinité. Par conséquent, la réduction de la dépression de consanguinité qui résulte de l’augmentation de l’hétérozygotie est une hétérosis. C’est aussi simple que ça. Et non, la vigueur hybride ne nécessite pas d’espèces différentes. En fait, la plupart des hybrides inter-espèces sont stériles et pas terriblement vigoureux…

Les contre-vérités dans l'élevage canin

La consanguinité s’appliquant aux chiens, la vigueur hybride s’applique également aux chiens… Rien ne vous fera paraître plus bête que de déclarer que la vigueur hybride ne s’applique pas aux chiens.


Un chien de race est en meilleure santé qu’un bâtard

Combien de fois avez-vous entendu cette affirmation ?
Elle a été très récemment reprise par la FCI dans son blog suite à une étude menée sur 100.000 chiens. Ce panel était constitué de 83.000 chiens non apparentés à une race et de 18.000 chiens de races pures, autour de 152 mutations génétiques connues. Les résultats sont très clairs: il y a plus de mutations trouvées chez les chiens de races mixtes que chez les chiens de race pure. Bilan logique puisque les chiens de race mixte ont plus de diversité génétique, avec un niveau d’hétérozygotie plus élevé que les chiens de races pures. Par conséquent, plus de chances de trouver des mutations… Mais sont-elles, pour autant, homozygotes et affectent le chien, ou sont-elles hétérozygotes et sont inoffensives ?
« Plus de mutations» ne signifie pas « plus de maladies »…

Les probabilités qu’une portée issue d’un couple de chiens de race mixte puisse hériter de deux allèles identiques à un locus donné est faible, contrairement aux races pures… Le niveau plus élevé d’homozygotie des chiens de race pure tend davantage vers l’hérédité des maladies et à leur risque d’expression. Contrairement aux chiens de race mixte qui par définition est issue d’une population plus hétérozygote.

Les idées reçues dans l'élevage canin

Les chiens de race pure ne sont pas en meilleure santé que les chiens de race mixte simplement parce qu’ils ont moins de mutations trouvées dans leur génome…

La génétique dans l’élevage du chien de race peut paraître compliquée. Mais si l’on garde l’esprit ouvert et que l’on ne reste pas campé derrière des contre-vérités passéistes et dépassées, elle nous aide à mieux appréhender les décisions à prendre dans les choix d’élevage.


Source : Institute of Canine Biology – Carol Beuchat PhD
Traduction et adaptation par Khalibisnya Maginwulf.

Pour apprendre la génétique des chiens, consultez les cours en ligne de l’ICB
Let’s kill the breeder myths : https://www.instituteofcaninebiology.org/blog/lets-kill-the-breeder-myths
Why do mixed breed dogs have so many mutations? : https://www.instituteofcaninebiology.org/blog/why-do-mixed-breed-dogs-have-so-many-mutations


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