Les véritables niveaux de consanguinité des chiens de race.

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Une étude menée par des généticiens et publiée fin 2021 a exploré les relations entre la consanguinité, la morphologie et la santé en utilisant des taux de consanguinité génétiques, des données de poids corporels et des données d’assurances pour la morbidité.
Les taux de consanguinité génétique de 227 races de chiens sont dorénavant dévoilés.
Alors verdict ? Quels sont les véritables niveaux de consanguinité des chiens de race ?
Les chercheurs ont-ils pu mettre en corrélation la consanguinité et la santé des chiens de race ?

Temps de lecture estimé : 29 minutes


Préambule de l’étude

Le taux de consanguinité peut être estimé à l’aide des pedigrees. Cependant, à moins que les calculs n’incluent l’arbre généalogique complet (jusqu’aux fondateurs de la race) et ne se limitent pas à seulement quelques générations, le taux de consanguinité issu des pedigrees sous-estime la consanguinité réelle de cinq à dix fois !

Plus récemment, la mesure des niveaux de consanguinité génétique par l’analyse ADN du chien est devenue une option réalisable et abordable. Les résultats de ces mesures ont fourni des preuves que les races de chiens ont des niveaux de consanguinité considérés comme extrêmement élevés. Il est prouvé que des niveaux élevés de consanguinité entraînent des conséquences sur la santé, sur la taille des portées et la survie néonatale.

La domestication du chien et la formation des races ont augmenté le nombre de variantes génétiques délétères au sein des races. Les chiens de races ont également de fortes prédispositions à des maladies héréditaires spécifiques. L’outil en ligne OMIA (Online Mendelian Inheritance in Animals) en répertorie leur nombre et les résultats pour le chien sont affligeants : près de 900 troubles héréditaires connus à ce jour ! Ces troubles héréditaires sont pour partie dus à des fréquences alléliques élevées de mutations récessives délétères et d’autres restent inexpliquées et probablement de nature polygénique.

Du fait de leur hétérozygotie plus importante, les chiens de races mixtes présentent un risque de troubles héréditaires moindre que les chiens de races pures.


Les résultats de l’étude

La majorité des races de chiens affichent des niveaux très élevés de consanguinité bien au-dessus de ce qui serait considéré comme sûr pour les humains ou pour les populations d’animaux sauvages.

Chez l’homme, il a été démontré que des niveaux modestes de consanguinité (3 à 6%) étaient associés à une prévalence accrue de maladies complexes d’apparition tardive ainsi qu’à d’autres types de dépression de consanguinité (les Samaritains de Cisjordanie en sont un bon exemple). Ces découvertes faites chez d’autres espèces, combinées aux prédispositions incroyablement fortes des chiens de race à des maladies complexes comme les cancers et les maladies auto-immunes, mettent en évidence le rôle majeur d’une consanguinité élevée chez les chiens de race pour leur santé.

Afin de pouvoir facilement comparer les résultats de consanguinité pour chaque race, je vous ai fait ce graphique. J’y ai également positionné des lignes horizontales de couleurs reflètant les différents liens de parenté afin de se rendre compte du niveau ahurissant de ces résultats (cliquez sur le graphique pour l’agrandir).

Le niveau de consanguinité des chiens de race
Pour rappel, et pour remettre les valeurs de consanguinité dans leur contexte, les liens de parenté entre :
– cousins / cousines = 6.25 % (ligne orange)

– demi-frères / demi-sœurs = 12.5% (ligne rouge)
– frères / sœurs = 25% (ligne jaune)
– Consanguinité du chien-loup de Saarloos (ligne bleu)

Ci-dessous, les mêmes résultats sous la forme de tableur Excel.
Les filtres sont fonctionnels.

La première colonne est le taux de diversité génétique, la deuxième colonne est la consanguinité génétique dont la valeur est à multiplier par 100 pour obtenir un taux de consanguinité.

Le chiffre à retenir : 24.9%
La consanguinité moyenne des 227 races de chiens est de 24.9%, équivalent à un lien de parenté frère / soeur…

Chien-loup de Saarloos

Chien-loup de Saarloos : GenCOI = 33.6%

Berger Hollandais – Poil court : GenCOI = 17.6%

Berger Hollandais à poil court
Berger Hollandais à poil long

Berger Hollandais – Poil long : GenCOI = 39.9%

Berger Hollandais – Poil dur : GenCOI = 35.9%

Berger Hollandais à poil dur
Akita Inu

Akita Inu : GenCOI = 42.6%

Basenji : GenCOI = 54.2%

Basenji

Seulement 12 races sur les 227 ont des valeurs de consanguinité inférieures à 10%.
Ce sont principalement des races jeunes ou des races avec des croisements récents telles que le Tamaskan, le Barbet et le Labradoodle Australien. Ces races démontrent qu’une consanguinité élevée est le résultat de livres des origines fermés ou d’un petit nombre de fondateurs (ou les deux à la fois).
Mais il y a aussi des races locales (Chien de ferme Dano-Suédois (Standard FCI n°356) , Mudi (Standard FCI n°238) et Koolie (non reconnue FCI) qui démontrent également qu’il est possible d’obtenir un type de race cohérent sans pour autant avoir eu recours à une consanguinité anormalement élevée.

LE CHIEN DE FERME DANO-SUÉDOIS EST UNE DES RACES CANINES LES MOINS CONSANGUINES. 
PROBABLEMENT GRÂCE À UNE POPULATION FONDATRICE RELATIVEMENT IMPORTANTE ET À UNE SÉLECTION BASÉE SUR LA FONCTIONNALITÉ ET NON SUR L’ESTHÉTISME.
LE CHIEN DE FERME DANO-SUÉDOIS EST UNE DES RACES CANINES LES MOINS CONSANGUINES.
PROBABLEMENT GRÂCE À UNE POPULATION FONDATRICE RELATIVEMENT IMPORTANTE ET À UNE SÉLECTION BASÉE SUR LA FONCTIONNALITÉ ET NON SUR L’ESTHÉTISME.

Le groupe 5 (races primitives) a une faible morbidité moyenne, ce qui n’avait jamais été rapporté auparavant (à l’exception du Norrbottenspitz). Tandis que le groupe 2 (types Molosses) a une morbidité moyenne très élevée.

Les races avec des niveaux de consanguinité plus élevés nécessitent plus de soins vétérinaires.

Il y a des exceptions intéressantes à la corrélation entre la consanguinité et la santé. Les races Border Terriers, Basenji, Colley et Setter Anglais ont une consanguinité élevée mais une faible morbidité. De même, le Malinois, le Spitz nain et le Tsvetnaya Bolonka russe ont une consanguinité plus faible mais une morbidité élevée.

Dans le cas de races saines avec une consanguinité élevée, il est possible que ces races aient été purgées des allèles délétères (comme cela s’est produit en laboratoire avec des souches de souris consanguines).
Dans le cas inverse, (consanguinité moindre et morbidité élevée), les morbidités enregistrées pourraient être des maladies mendéliennes à haute fréquence allélique ou potentiellement des affections liées à des phénotypes en sélection dans la race.


Les données utilisées pour l’étude

Deux ensembles de données ont été utilisé :

  1. Les résultats d’hétérozygotie SNP de la diversité génétique de 49 378 chiens (227 races) génotypés chez MyDogDNA ou Optimal Selection entre le 3 avril 2015 et le 23 juin 2020.
  2. Des échantillons d’ADN de 274 chiens appartenant à 19 races différentes ont été prélevé comme sujets pour des maladies. Ils ont été génotypés avec Illumina Canine HD (173 000 SNP) pour déterminer leur taux de consanguinité génétique.

Les valeurs de diversité génétique (H) ne fournissant pas une relation simple au pedigree, les généticiens ont voulu déterminer quelle était leur équivalence au taux de consanguinité (F) par corrélation de Pearson.

Une régression linéaire a été effectué pour obtenir des valeurs de consanguinité ajustées (Fadj) pour les 227 races. Ainsi, une valeur H de 33,1 % équivaut à une valeur Fadj de 0,25.

Ce qu’il faut retenir :
Un taux de diversité génétique de 33,1% dans MyDogDNA, correspond à un taux de consanguinité génétique de 25%.

Corrélation entre la diversité génétique et la consanguinité

Ce graphique démontre la corrélation entre la courbe de diversité génétique (ligne bleu) et la courbe de consanguinité génétique (ligne orange).
Le point de bascule des deux courbes se trouve à environ 31%.

La consanguinité (F) des 274 chiens du deuxième ensemble de données était fortement corrélé avec la diversité génétique (H) des 49 378 chiens génotypés chez MyDogDNA du premier ensemble de données. Une régression linéaire a été effectuée pour obtenir des valeurs de consanguinité ajustées (Fadj)pour chaque race.

Ces données sources, sous forme de tableaux Excel sont disponibles au téléchargement dans la section “Sources” se trouvant en fin d’article.


Le taux de consanguinité cinq générations

Lorsque j’ai commencé ma série d’articles sur la consanguinité du chien de race, mon premier message avait été de démontrer que les taux de consanguinité habituellement calculés sur cinq générations ne voulaient rien dire et que seul le taux de consanguinité toutes générations (jusqu’aux fondateurs) représentait le niveau d’homozygotie réel estimé d’un chien.

Que n’avais-je pas dit là… On m’a regardé avec des yeux ronds voir pour certains avec un certain dédain ; qui étais-je pour remettre en cause les pratiques cynophiles bien ancrées depuis des dizaines d’années ?…

Iceberg

Le taux de consanguinité calculé sur cinq générations, c’est comme un iceberg.
Il ne représente que sa partie émergée, la partie la plus petite. La grande majorité de la masse de l’iceberg est immergée et ne se voit pas. Pourtant, elle fait bien partie du même iceberg !

Lorsqu’un éleveur annonce fièrement un taux de consanguinité de 0% pour une portée parce qu’aucun ancêtre commun n’apparait sur le pedigree cinq générations alors qu’en réalité, il est de 25% (en prenant comme exemple le taux moyen de consanguinité de l’étude scientifique de cet article), je dirais que pour le néophyte, c’est trompeur voir mensonger. En effet, cela ne reflète absolument pas le réel niveau d’homozygotie du chien qu’il va acheter. L’adoptant pense qu’il vient d’acheter un chiot non consanguin et dont les parents ont été entièrement dépistés des maladies héréditaires connues ; il est loin de s’imaginer que son chien à 2,5 chances sur 10 qu’un gène pris au hasard possède deux copies du même allèle… Et si par mal chance ce gène devait être délétère, son chien développera un trouble génétique héréditaire…

En fait, cette habitude de communiquer sur des taux de consanguinité calculés sur si peu de générations a plusieurs origines :

  1. L’impossibilité pour l’éleveur de calculer un taux de consanguinité. Oui, je sais ça paraît dingue mais croyez-moi, il y a bien plus d’éleveurs incapables de les calculer que d’éleveurs capables… Alors, ils se réfèrent aux taux de consanguinité cinq générations donnés sur le site de la SCC – LOF Select et prennent pour argent comptant la valeur calculée par l’outil en ligne de création d’alliance virtuelle…
  2. Un non-sens d’un point de vue génétique, déclaré et diffusé par les instances cynophiles elles-mêmes.
    En effet, la SCC écrit et dit à qui veut bien l’entendre, “qu’au-delà de cinq générations, on peut considérer que l’influence d’un ancêtre est négligeable, c’est-à-dire que la probabilité qu’un allèle se soit transmis depuis l’ancêtre commun jusqu’au sujet considéré par son côté paternel et maternel est proche de 0 ».
    Là encore, la SCC ne parle que sur le plan du phénotype en partant du principe que le beau mâle populaire et multi-champion qui se trouve en 6ème et 7ème génération sur le pedigree de votre chiot a très peu de chances d’avoir transmis ses qualités de champions à votre chiot…
    On parle ici de choses visibles, de traits physiques. Mais sur le plan de la santé, sur des choses non visibles (donc non sélectionnable par l’éleveur) mais agissant directement sur la santé du chien, que dit la SCC ? Rien du tout…
    En effet, qu’advient-il du gène délétère devenu homozygote par consanguinité survenue au-delà de la 5ème génération ?
    S’arrêterait-il à la 5ème génération comme par magie ? Bien sûr que non…
    D’autant plus s’il se transmet sur un mode autosomique dominant…
    Il continuera de se transmettre jusqu’à votre chiot…
  3. Le taux de consanguinité cinq générations permettait à l’éleveur de démontrer son niveau de sélection appliqué sur les lignées de la portée.
    Par exemple, si l’éleveur avait fait de la consanguinité sur certains ancêtres sensés rapporter de meilleures qualités esthétiques, une meilleure aptitude au travail ou un meilleur caractère, le taux de consanguinité cinq générations reflétait cette sélection.

L’ AVK

Y a t-il un plan B au taux de consanguinité 5G ? Oui : l’AVK

Dans mes articles précédents, après avoir démontré qu’il ne fallait plus communiquer sur des taux de consanguinité calculés sur des pedigrees si peu profonds, j’avais mis en avant un taux qui se révélait plus adapté dès lors où l’on voulait démontrer le ratio de diversité des ancêtres de la portée à venir : l’AVK.

Un pedigree de cinq générations implique soixante-deux chiens. L’AVK permet de connaître la part que représentent les ancêtres uniques (n’apparaissant qu’une seule fois) par rapport aux ancêtres répétés (et non les ancêtres communs).

Rappel :
Un ancêtre est considéré comme commun dès lors où il apparaît côté père et côté mère sur le pedigree.
Un ancêtre répété peut n’apparaître que côté père ou que côté mère ou les deux.

Exemple de calcul AVK avec ce pedigree cinq générations :

Pédigree 5 générations

Sur les soixante-deux chiens de ce pedigree cinq générations, il y a trois ancêtres répétés (surlignés en couleur) :
– Toetie Tizra Bastaja (qui apparaît côté père et côté mère)
– Bagghera Sphale Eskalupa (qui n’apparaît que côté mère)
– Yolt Yangtze de Louba-Tar (qui n’apparaît que côté mère)
Il y a donc 59 ancêtres uniques (62-3) sur les 62 chiens que contient ce pedigree cinq générations ; l’AVK est donc de 95.16% (59/62 x100).

Dans les calculs de coefficient de consanguinité, seuls les ancêtres communs sont pris en compte. Dans notre exemple, il n’y a qu’un seul ancêtre commun : Toetie Tizra Bastaja, qui apparaît côté père ET côté mère.

A titre de comparaison, le taux de consanguinité cinq générations de ce chien est de 0.39%, soit dix fois inférieur à son taux de consanguinité génétique de 33%…

Graphique taux de consanguinité génétique Embark
Taux de consanguinité génétique donné par Embark

Maintenant que vous connaissez l’AVK, quel serait l’indicateur le plus fiable pour un pedigree cinq générations ? L’AVK cinq générations ou le taux de consanguinité cinq générations ? Un taux qui vous dit que la diversité des ancêtres de ce pedigree cinq générations est de 95% (ce qui est vrai) ou un taux qui vous dit que le niveau de consanguinité de ce chien est de 0,39% sur les cinq dernières générations (mais qui ne reflète en rien le réel niveau d’homozygotie de ce chien) ?

– Un AVK égale à 100% signifie que chaque chien composant le pedigree cinq générations n’apparaît qu’une seule fois.
– Un AVK inférieur à 100% est toujours une indication qu’un ou plusieurs ancêtres apparaissent plusieurs fois dans le pedigree et que par conséquent, une perte de variabilité génétique plus ou moins importante se produit.
– 70% est un seuil jugé comme étant une limite basse en dessous de laquelle il n’est pas recommandé de descendre. Un AVK de 70% correspond à 43 chiens uniques sur les 62 chiens composant un pedigree cinq générations.
– L’ AVK n’est pas corrélé au taux de consanguinité. Il ne s’agit pas du nombre d’ancêtres communs mais du nombre d’ancêtres répétés. Cependant, un bon AVK a plus de chance d’entraîner un bon taux de consanguinité alors qu’un mauvais AVK est souvent lié à un mauvais taux de consanguinité.


Le taux de consanguinité génétique

consanguinité chien de race

Avec le temps, l’idée de donner plus d’importance au taux de consanguinité toutes générations a fait son petit chemin. Certains éleveurs ont investit dans un logiciel leur permettant de calculer facilement les taux de consanguinité quel que soit le nombre de générations. Et aujourd’hui, je suis toujours content de voir que cette donnée, hier complètement occultée, réapparaît aujourd’hui dans quelques annonces de saillie. C’est une très bonne chose.

Cependant, l’avancée des connaissances n’est pas figée dans le temps et les progrès de la science vont parfois bien plus vite qu’on ne le pense… La possibilité de génotyper un chien par un prélèvement salivaire pour analyse de son ADN est dorénavant facile et accessible.

Logo MyDogDNA

Certaines entreprises comme MyDogDNA (Wisdom Panel) par exemple, vous propose de connaître le taux de diversité génétique de votre chien. Bien que très intéressante de prime abord, cette valeur n’a que peu d’intérêt en fait… En effet, à quel taux de consanguinité correspond un taux de diversité génétique ? A moins de maîtriser les corrélations de Pearson ainsi que les régressions linéaires comme les scientifiques de l’étude présentée dans cet article l’ont fait, calculer soit-même de telles correspondances n’est pas à la portée du commun des mortels…

Logo Embark

Le génotypage d’Embark quant à lui, permet de connaitre le taux de consanguinité génétique. Et là, stupeur… Les valeurs de consanguinité génétique diffèrent grandement des valeurs de consanguinité pédigree. En effet, d’une manière générale, les taux issus de l’ADN sont très souvent supérieurs aux taux issus des pedigrees.

Différence entre les taux de consanguinité calculés depuis les pédigrées et les taux de consanguinité génétique.

Les taux de consanguinité calculés depuis les pédigrées sont souvent sous-estimés pour plusieurs raisons :
– Les fondateurs d’une race sont toujours considérés comme étant non apparentés car de races différentes. Malheureusement, les races de chiens sont bien plus apparentées qu’on ne pourrait le penser sur le plan de l’ADN… La première génération d’une race (F1) a toujours un taux de consanguinité de 0% ce qui est erroné d’un point de vue génétique…
– Des erreurs “administratives” telles que des dates de naissance erronées, des ancêtres inconnus, de fausses déclarations de saillies, des périodes difficiles de l’histoire entraînant des informations manquantes (guerre 1939-1945) etc…
Tous ces manquements engendrent des liens incorrects dans les pedigrees et impactent le taux de consanguinité issu des pedigrees.


Réflexion générale

Comment les populations d’animaux sauvages parviennent-elles à rester en bonne santé depuis des milliers de générations, et sans tests de santé qui plus est !?
Parce qu’elles ne perdent pas de gènes importants pour leur santé. Les animaux se déplacent occasionnellement d’un troupeau à l’autre, ce qui permet de restaurer les gènes perdus d’un troupeau resté trop longtemps isolé des autres et qui ne se reproduisait qu’entre lui.

Dans les populations d’animaux sauvages, comment les différentes races arrivent-elles à préserver un type cohérent sans faire appel à la consanguinité ? Après tout, chez les félins, les lions ont bien le type d’un lion… Une panthère noire est en tout point similaire à une autre panthère noire… Bref, nous arrivons très facilement à reconnaître les différentes caractéristiques des animaux sauvages pour immédiatement les assimiler à une race.

Alors qu’est-ce qui fait que la diversité génétique marche bien avec tous les animaux sauvages mais pas avec nos chiens ? Pourquoi les éleveurs d’autres races domestiques le comprennent mais pas le monde de la cynophilie ?

Les chiens de race que nous aimons, meurent. Les généticiens peuvent vous dire pourquoi, et en fait, même les éleveurs canins d’il y a cent ans auraient pu vous dire pourquoi cela se produit : la consanguinité affecte la santé. Elle augmente le nombre de troubles génétiques (près de 900 maladies sont actuellement listés pour rappel !). Plus les taux de consanguinité sont élevés et plus la santé se dégrade. Ce ne sont pas des histoires ! C’est une notion de génétique fondamentale. La consanguinité augmente l’expression des troubles génétiques et a un effet négatif sur la santé. Si quelqu’un tente de vous convaincre du contraire, vous devez changer vos fréquentations !

Alors certes, la consanguinité est nécessaire pour fixer le type, le caractère et améliorer l’homogénéité. C’est d’ailleurs ainsi que les races domestiques ont été créées. Cependant, ces bénéfices peuvent tout aussi bien être appréciés à des niveaux de consanguinité inférieurs à 10% !

Parmi les races de chiens reconnues, le type a été fixé il y a bien longtemps et d’ailleurs clairement décrit dans le standard de race. Qu’y a t-il de plus à fixer comme traits qui justifie un tel niveau de consanguinité ? L’amélioration des races ? Moi je dirai plutôt le saccage des races avec leurs lots d’hypertypes et de problèmes de santé !

Des décennies de consanguinité dans une quête du chien de plus en plus “parfait” ont entrainé la perte des gènes essentiels à la vie. Aussi “parfaits” et “beaux” que puissent être les chiens à l’extérieur, à l’intérieur ils sont cassés…

Et que faisons-nous à ce sujet ? Nous semblons faire beaucoup ; il existe des études de recherche, des tests ADN, des séminaires sur la santé, des groupes de discussions Facebook spécifiques à des troubles de santé etc.
Mais nos chiens meurent de consanguinité… Aucune des choses que nous faisons ne guérira les effets de la consanguinité. Les scientifiques ne peuvent pas guérir la consanguinité. Seuls les éleveurs ont les clefs pour le faire.

Lorsque je lis sur les réseaux sociaux des posts qui tentent d’expliquer pourquoi un, voir deux ou trois chiots n’ont pas survécu à la mise bas. Que les raisons vont dans tous les sens (environnement, alimentation, stress de la mère etc) voir même certains qui vont jusqu’à faire des autopsies pour tenter de comprendre pourquoi… Avec un taux moyen de consanguinité de 25%, la consanguinité devrait être en haut de la liste des raisons plausibles de la mortalité néonatale ! Hors, le niveau anormalement élevé de la consanguinité n’est pour ainsi dire jamais évoqué…


Conclusion

Un grand pas vient d’être fait par la science concernant les niveaux réels de consanguinité des chiens de race.
Les résultats sont sans appel : la majorité des races de chiens affichent des niveaux trop élevés de consanguinité, bien au-dessus de ce qui serait considéré comme sûr pour les populations d’animaux sauvages ou pour les humains. Ils sont bien au-delà de ce qui est toléré par la plupart des éleveurs d’autres races d’animaux domestiques, qui travaillent dur pour maintenir la consanguinité en dessous de 10 % et qui sont préoccupés par chaque point de consanguinité supplémentaire au-dessus de 5 % puisqu’ils savent que la consanguinité affecte la qualité de leurs animaux, et donc leurs profits…

Malheureusement, les messages délivrés par les instances cynophiles ne vont toujours pas dans le bon sens…

logo scc


Quel sont les messages délivrés par la SCC à de jeunes éleveurs venant passer l’ACACED dans leurs locaux ?
– « Pour fixer telle couleur, vous pouvez accoupler deux demi-frères et demi-sœurs ; 12.5%, ça va comme niveau de consanguinité, ça peut se rattraper facilement ».
– « Les chiens de races pures n’ont pas plus de maladies que les chiens de races mixtes ».
– « Vous devez marier les meilleurs entre eux ».
– « Vous ne devez avoir qu’un seul objectif : l’amélioration de votre race » (comprenez sur le plan du phénotype).
– « Un bon éleveur sait ce qu’il y a dans ses lignées ».
Ces phrases, je les ai entendu moi-même lorsque j’ai également passé mon ACACED… Et là, je peux vous assurer que vous vous sentez tout petit tellement ces paroles sont bues par les participants qui n’ont pour la plupart quasiment aucune connaissance de base en génétique…

Et je ne parle pas des photos diffusées dans la salle montrant des bergers allemands dont le bassin touche quasiment le sol (“non non, ils ne sont pas assis mais bien debout, mais grâce à cette physionomie, ils ont une poussée extraordinaire !…), des races brachycephales où le museau a quasiment disparu… Pourtant je croyais qu’il fallait lutter contre les hypertypes ? Ah oui… en fait tout est question d’où on place le curseur… A partir de quand on estime que la limite a été franchie… Ah oui, c’est vrai : c’est une question de spécialistes…

Un autre florilège de tout ce qui est asséné par la SCC se trouve dans un de leurs articles intitulé “Génétique : des idées reçues qui ont la vie dure“. Lisez-le, ça vaut le détour. C’est marrant, j’ai eu l’impression de lire l’exacte anti-thèse de mon article “Les idées reçues dans l’élevage du chien de race“… Eh oui, effectivement… Les idées reçues sur la génétique ont la vie dure à la SCC…

Pour la suite de la conclusion, je vais reprendre à mon compte quelques phrases écrites par le docteur Carol Beuchat, que j’affectionne particulièrement pour ses positions et tous les supports d’éducation qu’elle a mis en place concernant la génétique du chien. Les propos ci-dessous, vous pourrez les retrouver sur le Blog de Carol Beuchat comme beaucoup d’autres repris dans cet article dont l’origine est rappelé dans la section “Sources” à la fin de cet article.

Les différentes communications des instances cynophiles continuent d’être axées sur des points qui sont capitaux pour les éleveurs mais qui laissent dubitatifs la plupart des gens.
Un bel exemple ici, avec la dernière communication de la FCI :

Cliquez sur l’image pour lancer la vidéo

La plupart des adoptants se fichent de savoir si son chien est enregistré dans un livre des origines, s’il est LOF. D’ailleurs, seulement une petite quantité des chiens pure race vont jusqu’à l’étape de la confirmation. Les gens ne se préoccupent pas de la quantité de travail des éleveurs et de leurs dépenses consacrées à l’élevage. Le public ne se soucie pas de savoir si c’est “du pure race” et ce que veut dire « parents entièrement testés» – testés de quoi, d’ailleurs ?
La plupart des gens veulent juste un chien à aimer. Ils ne veulent pas d’un chien qui leur coûtera une fortune en frais de vétérinaire.
La FCI, les instances cynophiles et la plupart des éleveurs, passent à côté de la principale raison pour laquelle les chiens pure race ont si mauvaise presse auprès du grand public : la consanguinité.
Pour le profane, c’est de l’inceste. En fait, cela devrait également l’être pour les éleveurs de chiens de race… N’importe qui sait que l’inceste est mauvais, qu’il produit des problèmes génétiques et que les chiens pure race sont consanguins et ils n’ont pas tort.
Le public n’est pas contre les chiens pure race. Ils ne sont pas contre les éleveurs de chiens pure race non plus. Ils sont contre l’élevage d’inceste parce qu’il produit des animaux en mauvaise santé.
De nos jours, les prises de position tenues en public sur les réseaux sociaux par des éleveurs, des clubs de race et d’autres instances cynophiles sur tout ce qui justifie la continuité de l’utilisation de la consanguinité pour des raisons « d’amélioration des races » ne passent plus. Au contraire, cela renforce l’opinion du public selon laquelle les éleveurs de chiens pure race sont condescendants et ne s’intéressent qu’à l’apparence, aux médailles, aux flots et aux coupes d’expositions.
Le public non averti est horrifié d’apprendre que la plupart des chiens pure race élevés aujourd’hui sont aussi étroitement liés que des frères et sœurs à part entière.
Les affirmations fréquemment entendues selon lesquelles les chiens pure race “sont tout aussi sains” que les chiens de race mixte ne sont basées sur aucune donnée fiable et vérifiée. Les éleveurs ne changeront pas la perception du public selon laquelle les chiens pure race sont consanguins et malsains tout en niant qu’il y a un problème et en refusant de le résoudre.
Les éleveurs ne sont pas en mesure de lutter contre TOUS les problèmes de santé si le pool génétique de leurs reproducteurs n’a pas la variabilité nécessaire pour produire des chiots en bonne santé. Malheureusement, tous les chiens pure race sont si étroitement liés génétiquement qu’ils représentent l’équivalent de plusieurs générations consécutives de croisements apparentés à des frères et soeurs.
Or, il n’est pas possible de produire des chiens en bonne santé tout en s’engageant dans une consanguinité sans restriction. Cela n’est pas possible.
Le public n’a pas besoin d’être «éduqué» sur le travail des éleveurs de chiens pure race ; les gens n’ont pas besoin de relations publiques qui valorisent l’enregistrement d’un chiot à un livre des origines et applaudissent ces éleveurs qui travaillent dur. Les gens ne s’en soucient vraiment pas, non… Ce que le public veut, ce sont des chiens en bonne santé. C’est tout. Si les éleveurs de chiens pure race ne les produisent pas alors les gens iront ailleurs.


Sources

Lien de l’étude : The effect of inbreeding, body size and morphology on health in dog breeds
Données : 1er ensemble de données / 2ème ensemble de données
Blog de Carole Beuchat : www.instituteofcaninebiology.org/blog


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