L’élevage du chien-loup de Saarloos en France

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Cet article consacré à l’élevage français du chien-loup de Saarloos depuis 1992 à nos jours a représenté un gros travail de récolte des données, de calculs et d’analyses et s’est étalé sur une année. Un maximum de données ont été rassemblées afin de connaître les étalons et les lices qui ont participé à la reproduction ainsi que les élevages qui ont fait l’histoire du Saarloos en France.
L’étude de la population française du Saarloos permet de connaître les caractéristiques qui définissent son état de santé. Au travers du nombre de portées produites depuis l’introduction de la race en France et de l’évolution de la consanguinité au fil des générations, l’étude de la population permet de prévoir l’évolution de la dérive génétique en fonction notamment de la taille de la population effective. Pour le Saarloos, cette étude est d’autant plus importante que sa population est petite. Or, les petites populations souffrent davantage de la dérive génétique en comparaison avec les populations plus importantes.
Pour certains, l’analyse des données sera une confirmation de ce qu’ils pensaient sur l’état de santé de l’élevage du chien-loup de Saarloos en France et pour d’autres, je l’espère, une découverte.

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La base de données

Comme pour toute étude, l’élément primordial est la base de données. Elle fournit les informations nécessaires à l’étude. Cette étape primordiale a été pour moi un énorme challenge… Parce que rien n’est simple, il a fallu faire des choix quant aux données à utiliser. En effet, devais-je prendre en compte exclusivement les portées LOF et ne pas prendre en compte les portées non-LOF ? Devais-je inclure les reproducteurs étrangers qui ont engendrés les premières portées LOF ? Fallait-il considérer les chiens reconnus à titre initial ? Devais-je inclure les chiots nés à l’étranger mais d’étalons LOF vivant en France ? etc…
Après mures réflexions, j’ai décidé de ne prendre en compte que les portées nées en France. Portées inscrites auprès de la SCC et produites par des éleveurs français. Pour les portées non inscrites au LOF mais dont quelques chiots ont été enregistrés à titre initial, ces chiots ont été également pris en compte .

Je mets à votre disposition ci-dessous, la base de données que j’ai mis en place pour me permettre de faire cette étude. Au travers des boutons situés au bas de la visionneuse Excel, vous pouvez visionner le tableur dans les limites de la taille de la visionneuse ou bien l’afficher plein écran en cliquant sur le bouton adéquat. Le téléchargement de la base de données est également possible. Les tableurs Excel seront plus lisibles sur un écran d’ordinateur que sur un smartphone ou une tablette.

Les filtres intégrés du tableur vous permettront de trouver, filtrer et classer les données selon les critères retenus. Parmi ces critères de tri figurent le nom de l’élevage, l’âge du reproducteur à la 1ère saillie, le nombre de portées, le nombre de chiots (avec le détail du nombre de mâles et de femelles), l’AVK, le taux de consanguinité, le nombre de chiots ayant participé à leur tour à la reproduction (avec le détail du nombre de mâles et de femelles).

La base de données débute avec la première portée de chiens-loups de Saarloos nés en France en 1992 et s’arrête à la dernière portée née en décembre 2020.

Bien sûr, nul n’est infaillible et il pourrait y avoir des oublis ou des erreurs… N’hésitez pas à revenir vers moi pour me les signaler le cas échéant. Cependant, le nombre d’erreurs devrait être suffisamment minime pour ne pas remettre en cause les résultats de cette étude.


Les naissances

Les années 1992,1993, 1994, 1997 & 2001 sont des années avec une seule portée

444 portées françaises LOF de chiens-loups de Saarloos ont vu le jour depuis le 8 janvier 1992.
La production française totalise depuis cette date 2154 chiens-loup de Saarloos au 31 décembre 2020.
La première portée française a été produite par l’élevage du Val Louvard.

L’élevage du chien-loup de Saarloos était très confidentiel durant les 10 premières années avec seulement 6 élevages jusqu’à 2001. Puis, de 2002 à 2010 la production de chiens-loups de Saarloos a progressé. Notamment grâce à l’arrivée de 19 nouveaux élevages. Une troisième phase de 2011 à 2017 se caractérise par un dépassement du seuil des 100 chiots à l’année et une trentaine d’élevages en activité plus ou moins régulière. Depuis 2018, baisse inquiétante de la production avec une particularité pour 2020 : le nombre de portées est égale à celui de 2019 mais avec une prolificité exceptionnellement plus élevée que la moyenne.

Avec une moyenne annuelle de 136 naissances LOF basée sur les 3 dernières générations, l’élevage du chien-loup de Saarloos est anecdotique au regard de bien d’autres races. La SCC a publié sur son site une liste des 20 races de chiens les plus populaires en 2020. A la première race de ce classement, le Berger Australien enregistre 16.782 inscriptions au LOF et la dernière place, le Spitz Allemand qui enregistre tout de même 3.428 inscriptions…

Certains se réjouiront de la confidentialité de l’élevage du chien-loup de Saarloos. En effet, le caractère spécifique du Saarloos ne le destine pas à tout le monde. Mais pour autant, nous verrons plus loin dans cet article que si l’on veut préserver la race, maintenir une confidentialité de la production serait une terrible erreur…


La prolificité

Chronologie de la prolificité des portées depuis le 8 janvier 1992 à décembre 2020

Il est difficile de juger de la moyenne de prolificité des portées sur ce graphique chronologique. Le nombre de chiots au sein d’une portée va de 1 à 12. Une courbe de lissage permet de voir une baisse importante de la prolificité sur les 50 premières portées. Puis, par la suite une courbe légèrement ascendante pour les 150 portées suivantes. Enfin, une hausse légère pour finir sur une augmentation plus significative sur les 30 dernières portées.

Pour une meilleure synthèse, regardons le graphique de la prolificité des portées par année.

Pour rappel, les années 1992,1993, 1994, 1997 & 2001 sont des années qui n’ont qu’une seule portée à leur effectif. Par conséquent, ces données ne sont pas moyennées et impacte le début du graphique. Cependant, on peut constater en moyenne, une baisse sensible de la prolificité des portées de 1992 à 2010. A partir de 2011, la prolificité des portées de Saarloos entame une hausse inattendue au regard de l’évolution de la consanguinité généalogique abordée plus loin dans cet article.

Regardons maintenant les données moyennées par générations

La durée d’une génération pour le chien a été établit à 4 ans selon l’American Association for the Advancement of Science (AAAS.org)

On gagne davantage en lisibilité mais la courbe de lissage demeure la même que le graphique précédent. Après une baisse sensible de la prolificité des portées de 1992 à 2010, la courbe repart à la hausse sans pour autant revenir à la moyenne du début de l’élevage de la race des années 90. L’année 2020, malgré un nombre de portées étale par rapport à 2019, détient le record de prolificité. En effet, pas moins de 3 portées sur les 19 totalisent une prolificité de 11 chiots pour chacune d’entre elles et viennent booster la moyenne annuelle 2020.


Les étalons populaires

Mon article dédié à la fréquence d’utilisation des géniteurs m’avait donné envie d’aller plus loin dans l’analyse. Aussi, j’ai établi une liste des étalons populaires depuis le début de l’élevage du Saarloos en France.
En progressant dans les données, certains étalons ont également été utilisés dans des portées hors de France. Par conséquent, le tableau offre la possibilité d’avoir le nombre de portées et le nombre de chiots engendrés en France mais aussi les portées et chiots totaux à l’étranger.

Ne restait plus qu’à déterminer le nombre de portées minimum au delà duquel un étalon pouvait être considéré comme étalon populaire à l’échelle de la race du Saarloos.
Je suis parti sur un seuil de 5 portées au minimum. Sachant que l’AVLS recommande de ne pas dépasser 4 portées par étalon et que la NVSWH limite à 2 (avec possibilité de dérogation pour 3).

J’ai voulu également intégrer davantage d’informations comme la diversité des lices. En effet, certains étalons ont été utilisés avec les mêmes lices et d’autres avec des lices différentes. Pour exprimer cette différence, un ratio ‘diversité des lices’ a été rajouté. ‘0%’ signifiant que toutes les portées générées l’ont été avec la même lice. ‘100%’ signifiant que toutes les portées générées par l’étalon l’ont été avec une lice différente.

Une autre donnée me paraît essentielle dans l’analyse. Un étalon ayant produit beaucoup de chiots mais qui n’ont finalement pas ou très peu reproduit à leur tour, à mon sens n’a que peu d’impact sur la race mais du coup, également peu d’intérêt d’un point de vue reproduction… Par conséquent, le tableau spécifie le nombre de chiots ayant reproduit à leurs tours ainsi qu’un taux de contribution. ‘0%’ signifiant qu’aucun chiot engendré par l’étalon n’a participé à son tour à la reproduction. ‘100%’ signifiant que tous les chiots engendrés par l’étalon ont à leur tour reproduit.

Enfin, les taux de consanguinité et d’AVK des portées engendrées sont également spécifiés (avec les coefficients minimum, moyens et maximum).


Les lices populaires

J’ai aussi souhaité avoir les mêmes informations pour les lices. Bien que le cycle biologique d’une femelle limite le nombre de portées dans une année (contrairement aux étalons), il est intéressant d’avoir une synthèse des lices utilisées dans la reproduction du Saarloos. J’ai arbitrairement fixé un seuil de 4 portées au minimum pour qu’une lice puisse faire partie de ce tableau. Ce choix me paraît cohérent : 3 portées avec des périodes de repos entre chaque portée me semble acceptable tant pour la santé de la chienne que sur un plan éthique.

J’ai rajouté un indice supplémentaire par rapport aux étalons : l’âge de la lice à sa dernière portée.


L’âge de mise à la reproduction

Après avoir travaillé sur les étalons et les lices populaires, je me suis intéressé à l’âge de mise à la reproduction.
D’un pays à un autre, les avis et les habitudes sont différentes. Aux Pays-Bas, et notamment à la NVSWH, un mâle mature est plutôt recherché dans les projets de mariages. En effet, un mâle se bonifiant avec le temps, c’est le meilleur moyen de s’assurer que le morphotype recherché corresponde aux attentes. Avec un jeune mâle encore en développement, il n’est pas possible d’avoir suffisamment de recul…

Une grande partie des étalons et des lices commencent à reproduire à l’âge de 2 ans. Une part non négligeable des étalons reproduisent pour la 1ère fois alors qu’ ils n’ont pas encore 2 ans. C’est plus rare pour les femelles, mais ça existe.

D’une manière générale, les étalons et les lices commencent leur vie de reproducteurs relativement tôt.


Les élevages Français

En construisant la base de données de cette étude, je me suis aperçu que je ne connaissais pas un certain nombre d’affixes ayant produit du Saarloos. En effet, ce n’est pas moins de 61 affixes qui ont produit du Saarloos. Tous ne sont pas des affixes exclusifs Saarloos. Au fur et à mesure que j’avançais dans la liste des élevages, il m’a semblé intéressant de produire des données permettant d’en savoir plus.

Ainsi, vous pourrez y trouver des informations telles que l’année de la première portée de l’élevage et le nombre de portées et de chiots produits. En analysant les différents mariages, je me suis aperçu que certains mariages se répétaient quand d’autres se renouvelaient régulièrement. Par conséquent, j’ai rajouté des données relatives à la diversité des mariages effectués. ‘0%’ signifiant que tous les mariages de l’affixe concerné sont les mêmes. ‘100%’ signifiant que tous les mariages effectués sont tous différents. L’AVK et la consanguinité des portées produites (avec un minimum et un maximum) sont également spécifiés. Puis, sont venus se rajouter 3 données essentielles à mes yeux : le nombre et le taux de chiots produits ayant à leur tour reproduit, ainsi que deux taux de contribution. L’un concerne le ratio des chiots ayant eux-mêmes reproduit au regard de la production de l’élevage et l’autre au regard de la production française. Le classement par défaut est fait sur ce dernier critère.

Bien entendu, l’avantage des filtres Excel étant de pouvoir changer le classement des affixes en fonction des critères recherchés, vous pouvez modifier ce classement à votre guise.

A savoir que certains éleveurs ont produit des portées avant d’obtenir leurs affixes. Dans ce cas, ces portées ont été comptabilisées dans la catégorie “Production LOF sans affixes”.


La consanguinité

Le sujet de la consanguinité pour le chien-loup de Saarloos a déjà été traité dans un précédent article. Cependant, cette base de données a été l’occasion de pouvoir lier la théorie à la pratique. Ainsi, nous allons pouvoir déterminer quel est le taux de consanguinité généalogique du chien-loup de Saarloos au début de son élevage en France et comment a-t-il évolué. Enfin, nous allons pouvoir comparer les résultats obtenus avec ceux de l’AVLS et de la NVSWH.

Chronologie de la consanguinité des portées Françaises

Le graphique chronologique permet de constater une hausse de la consanguinité depuis la 1ère portée en 1992. Il semble y avoir 3 phases ; une hausse significative sur les 50 premières portées, puis une hausse plus douce mais régulière sur la très grande majorité des portées puis une fin de graphique qui semble amorcé une baisse. En effet quelques portées aux taux de consanguinité plus bas que la moyenne influence la dépression de consanguinité.

Avec une analyse de la consanguinité par année, l’évolution se précise. Depuis 1992, la consanguinité a augmenté de 10%. Passant de 50% à 60%. Cependant, les années 1992, 1993, 1994, 1997 et 2001 sont des années avec une seule portée, donc non représentatives… Par conséquent, une analyse par génération plutôt que par année serait peut-être plus parlante.

Par génération, la hausse de consanguinité est bien confirmée, cette fois lissée concernant les années à une seule portée.

Afin de vérifier mes calculs de consanguinité, mes graphiques et mon analyse des courbes, j’ai demandé aux clubs de race Hollandais s’ils avaient également initié cette analyse. L’AVLS et la NVSWH m’ont répondu favorablement et m’ont fourni leurs résultats.

L’étude de l’AVLS porte sur l’évolution de la consanguinité depuis les origines de la race jusqu’à 2019.
Cependant, si l’on prend la période commune de mon étude (1992-2020), l’évolution de la courbe de consanguinité suit la même tendance et les mêmes valeurs que celle de la France.
NDLR : l’étude de l’AVLS inclue également une partie de la population française.
La baisse de la consanguinité sur les dernières années s’explique par la mise en place du programme Outcross de l’AVLS dans les naissances des dernières années.

La NVSWH a fait également une étude de la consanguinité mais uniquement centrée sur sa propre population. Là aussi, les données sur la même période 1992-2016 coïncide avec la nôtre. Cependant, il semble que le niveau de consanguinité soit légèrement inférieur au nôtre (environ 5 points).
Les années blanches sont des années sans production.


L’ AVK

J’ai longuement abordé l’AVK dans mon article sur la consanguinité. Son principal intérêt est sa facilité de calcul contrairement au calcul du taux de consanguinité. Cependant, bien qu’il ne soit pas directement corrélé avec le taux de consanguinité généalogique, il est intéressant de voir son évolution en lien avec la consanguinité.

Au début de l’élevage du chien-loup de Saarloos, l’AVK est dramatiquement bas… Pour rappel, il est conseillé de ne pas descendre en-dessous des 70%… Ce n’est que très tardivement que les combinaisons de mariages dépassent ce seuil minimum…

Avec une analyse par année, nous avons le même problème de représentativité que pour la consanguinité concernant les années à une seule portée. Pour autant, après ces années peu prolifiques, le reste de la courbe de lissage correspond à celle du graphique de la chronologie des portées.

Avec une analyse par génération, cette fois-ci, nous avons une bonne évaluation de l’histoire de l’AVK dans la production française. La très grande majorité des combinaisons effectuées sont en dessous du seuil de 70% d’AVK. Est-ce que cela a eu un impact sur la hausse de la consanguinité préalablement constatée dans le chapitre précédent ?


Comparaison entre AVK et taux de consanguinité

En comparant les deux courbes “AVK” et “Consanguinité”, il est indéniable que les très mauvais coefficients d’AVK au début de l’histoire du Saarloos en France expliquent en partie la hausse de la consanguinité… Comme évoqué dans l’article sur la consanguinité, l’AVK est donc bien un moyen prédictif fiable pour agir sur la dépression de consanguinité et surtout facile à calculer, contrairement au taux de consanguinité.


Population recensée et population reproductrice

La population “recensée” correspond au nombre de chiens LOF nés sur la période 1992-2020.
Cependant, si on s’inquiète de la génétique, seuls les chiens qui reproduise, contribuent à l’avenir de la race. Ces chiens sont littéralement la clé de voûte génétique de l’avenir de la race.

Dans une petite population telle que le chien-loup de Saarloos, le pool génétique y est réduit en comparaison avec les populations plus populaires, au nombre bien plus important. Ce pool génétique se trouve d’autant plus réduit si dans cette petite population, seulement une infime partie de celle-ci se charge de la reproduction. Moins d’option de reproduction entraîne une augmentation du taux de consanguinité et une baisse de la diversité génétique.

14% de la production française contribue à la reproduction.

Alors qu’il est compréhensible que tous les propriétaires de femelles Saarloos ne peuvent se lancer dans la reproduction, le constat pour les mâles est catastrophique. En effet, seulement 12% des mâles produits ont été utilisés pour la reproduction. Et comme tous les mâles n’ont pas la chance d’être sains à toutes les maladies héréditaires, le choix dans les combinaisons de mariages s’en retrouve encore plus restreint… Et c’est sans compter également, sur les mâles reproducteurs qui sont retirés de la reproduction parce qu’ils ont développé une maladie héréditaire (APR, cataracte, épilepsie). Nous verrons dans le chapitre suivant que par génération, le constat est encore plus affligeant…

Le déséquilibre étalons / lices s’explique entre autres par le phénomène des étalons populaires et du fait qu’un mâle peut reproduire plusieurs fois dans l’année contrairement aux femelles.


La population effective

Les scientifiques Hardy-Weinberg à l’origine des théories génétiques des populations basées sur le concept de population idéale.

La population idéale

Pour tenter de comprendre ce qu’est une population effective, intéressons-nous à ce que serait une population dite « idéale ». Une population idéale répondrait à tous les critères suivants :

a) Le nombre de mâles et de femelles est égal et tous ont la capacité de procréer.
b) Tous les individus de cette population idéale reproduisent sans qu’il n’y ait plus de variations que celles prévues par le hasard.
c) Les combinaisons mâles/femelles sont aléatoires et non imposées par une quelconque sélection
d) Le nombre d’animaux reproducteurs est le même d’une génération à l’autre (c’est-à-dire que la taille de la population est constante) et il n’y a pas d’immigration, d’émigration ou de mutation.

Dans une population «idéale» répondant aux critères énumérés ci-dessus, la taille de la population “recensée” est égale à la taille de la population des reproducteurs. Mais dans la réalité, la plupart des populations réelles ne remplissent pas les critères d’une population idéale (par exemple l’équilibre mâles / femelles, la reproduction qui n’est pas aléatoire mais contrôlée, etc.), et pour ces populations, le nombre de reproducteurs est inférieur au nombre d’individus “recensés”.

Si les populations réelles sont rarement idéales, quel est l’intérêt de connaître la taille de la population effective ? La génétique des populations idéales est prévisible contrairement à la génétique des populations effectives. Comme les populations de chiens de race ne sont pas idéales, il faut alors déterminer la taille de leurs populations effectives afin d’établir des prévisions génétiques fiables. Le faire sur la base d’une population “recensée” serait une erreur.

Ainsi, la taille d’une population effective correspond à la taille d’une population «idéale» dont sa diversité génétique diminuerait en raison d’une dérive génétique. Cette population effective deviendrait alors la population réelle d’intérêt pour les études.


La dérive génétique

La dérive génétique est la variation aléatoire des fréquences alléliques au sein d’une population au fur et à mesure des générations. Si un groupe d’une population se sépare pour vivre en autarcie, il finit par devenir génétiquement différent de la population dont il est issu.
La dérive génétique peut entraîner des pertes d’allèles due au hasard. Mais elle peut également fixer un allèle dans lequel chaque membre de la population est homozygote.
La dérive génétique entraîne une perte de diversité génétique et une augmentation de la consanguinité au fil du temps. Les taux de ces deux processus dépendent de la taille de la population effective.
La formule de calcul du taux de consanguinité et de dérive génétique appliqué à la taille de la population est = 1 / 2Ne (où ‘Ne’ est la «taille de la population effective»).


La population effective

La population effective est exclusivement composée de reproducteurs. Cependant, il existe plusieurs façons d’estimer la taille de la population effective, selon les données disponibles et le type d’estimation visé. Nous n’en examinerons qu’une seule ici, facile à utiliser pour les éleveurs. L’un des facteurs qui peut influencer la taille de la population effective est le ratio sexe mâles/femelles des reproducteurs.

Nous pouvons estimer ‘Ne’ en utilisant les informations de la base de données de cette étude en recensant le nombre d’étalons (Nm) et de lices (Nf) qui reproduisent. Ces données doivent être compilées par génération.

La formule pour le calcul de la population effective ‘Ne’ = 4 x (Nm x Nf) / (Nm + Nf)

Règle d’or : la taille de la population effective est égale à la taille de la population des reproducteurs si seulement le nombre d’étalons et de lices est identique.

Source : The Institute of Canine Biology – Carol Beuchat PhD

L’axe des abscisses Nf du graphique ci-dessus représente le nombre de femelles reproductrices. L’axe des ordonnées représente la population effective. Pour une population de 1000 individus, tout déséquilibre entre les étalons et les lices entraîne une réduction de la population effective. Exemple : pour 500 lices (et donc 500 étalons déduits), la taille de la population effective est de 1000 (population des reproducteurs = population effective). Mais pour 800 lices (200 étalons déduits), la taille de la population effective descend à 650 alors que la population des reproducteurs est toujours de 1000 individus.

L’équilibre des mâles et des femelles reproducteurs dans les populations de chiens de race est rare. En effet, le nombre de femelles est généralement plus élevé puisque les mâles peuvent engendrer plusieurs portées dans une année contrairement à une femelle qui dépend de son cycle biologique.

Plus le déséquilibre mâles / femelles est important et plus la taille de la population effective se réduit.

Ceci est la conséquence implacable de l’utilisation des étalons populaires dans la reproduction…

Alors que les éleveurs pensent qu’ils améliorent la santé génétique en n’utilisant que les meilleurs chiens comme étalons, la consanguinité et la perte de diversité génétique augmentent…

La taille de la population effective d’une race influe sur deux éléments clés : le taux de consanguinité et la dérive génétique. Le retrait de reproducteurs potentiels et les politiques de stérilisation rendent plus difficile pour les éleveurs la gestion des taux de consanguinité. De plus, des niveaux plus élevés de dérive génétique provoquent une instabilité génétique avec des fluctuations plus importantes de la fréquence des allèles et un plus grand risque d’extinction à long terme.


Stratégie d’élevage

Il est important de considérer ce déséquilibre mâles/femelles en parallèle des outils déjà à disposition des éleveurs (tests de santé, tests de caractère, génotypage MyDogDNA, etc). Les éleveurs peuvent améliorer leurs mariages et leur sélection grâce aux informations issues de l’ADN. Cependant, si le ratio sexe des reproducteurs est fortement déséquilibré ou si la taille de la population effective est trop petite, la consanguinité et la perte de diversité génétique fonctionneront dans le sens opposé. La santé du pool génétique en sera impactée. Le génotypage tel que MyDogDNA peut aider à améliorer la qualité des prochaines portées, mais la réduction de l’incidence des troubles génétiques dans une race nécessitera en amont une gestion génétique appropriée de l’ensemble de la population et non de quelques individus. Ainsi des stratégies de sélections pourront être mise en place pour limiter le taux de consanguinité et la perte de diversité génétique.

En fait, si les éleveurs ne gardent pas un œil sur la situation dans son ensemble, ces tests pourraient amener les éleveurs à être encore plus sélectifs dans leurs choix d’élevage, avec des conséquences néfastes à long terme. Il n’existe pas de solution miracle pour résoudre tous les problèmes.

La gestion génétique au niveau global de la race est essentielle pour maintenir la santé du pool génétique à long terme.

Les éleveurs doivent connaître la taille de la population effective et comprendre ce qu’ils peuvent faire pour l’augmenter. Une population effective plus grande améliorera la stabilité génétique et la santé du pool génétique. Une population effective plus petite entraînera une variation imprévisible des fréquences alléliques, une perte ou une fixation de certains allèles ainsi qu’une augmentation de la consanguinité et du risque d’extinction à plus long terme.

La population effective du Saarloos en France

On peut constater sur le graphique qu’effectivement, la taille de la population effective influe sur la consanguinité et la dérive génétique. Ainsi, au début de l’histoire du Saarloos, outre des mariages avec un AVK trop faible, la petite taille de la population effective a également contribué à l’augmentation de la consanguinité. Le ratio reproducteur mâles/femelles n’est pas suffisamment important pour influer sur la taille de la population effective. Cependant, le phénomène des étalons populaires apporte d’autres problèmes. Il est à noter que les deux dernières générations ont vu plus de naissances de mâles que de naissances de femelles. Et pourtant, le rapport est inversé chez les reproducteurs : à nouveau, il s’agit pour partie de l’effet pervers des étalons populaires.

Plus la population effective augmentera et plus la race se prémunira de la dérive génétique. Autrement dit, et pour revenir à ce qui avait été dit au début de cet article, pour tous ceux qui souhaitent limiter la production du Saarloos quelle qu’en soit la raison : on ne résout pas une situation complexe avec des règles simples… Cette phrase a une résonance importante en génétique de la population des chiens mais pour la petite population des chiens-loups de Saarloos, elle est capitale.

La race est-elle en danger ?

L’agence des Nations Unies, la FAO (Food and Agriculture Organization), a publié un rapport intitulé “L’état des ressources génétiques dans le monde pour l’alimentation et l’agriculture”. Ce rapport établit des lignes directrices pour l’élevage des mammifères domestiques.

Ce tableau FAO d’évaluation des capacités de reproduction est conçu pour les espèces à «haute capacité de reproduction» telles que les cochons, les lapins, les cochons d’inde, les chiens et les volailles. Il est basé sur le nombre de femelles et de mâles reproducteurs pour déterminer les capacités de reproduction de la population concernée. Ainsi 4 catégories de risques résultantes des données d’équilibre mâles / femelles sont établies pour les populations : “critique”, “en danger”, “vulnérable’ et “sans risque”.

Il suffit de reprendre les données du graphique de la population effective du chapitre précédent pour arriver facilement à définir le statut de reproduction du chien-loup de Saarloos en France… Malheureusement, et selon les critères de la FAO, la reproduction du chien-loup de Saarloos en France est au mieux “en danger” si l’on résonne au niveau international et au pire “critique” si on résonne exclusivement au niveau national…

La situation est identique aux Pays-Bas (dont la production est sensiblement égale à celle de la France), en Allemagne (avec une production bien inférieure) et pire en Italie, Espagne et autres pays Européens où la production de chiens-loups de Saarloos y est encore plus anecdotique…

Est-ce que cela concerne uniquement le chien-loup de Saarloos ? Malheureusement non… Le Kennel KC au Royaume Uni a édité un rapport identifiant toutes les races indigènes en situation de vulnérabilité. Bien sûr, on ne peut faire de généralités puisqu’il ne s’agit ici que des populations de chiens de races élevées sur le territoire Anglo-saxon. Cependant, il n’y a pas de raisons non plus de penser que seul le Royaume Uni serait concerné par la vulnérabilité de ses races de chiens…

Il est important que les éleveurs de chiens-loups de Saarloos connaissent l’état de risque de la reproduction de leur race et prennent les mesures appropriées pour stabiliser la taille des populations en incluant plus de sujets dans le programme d’élevage. Les éleveurs de chiens-loups de Saarloos doivent également avoir accès aux informations et à l’expertise nécessaires pour développer des stratégies de sélection durable. Ceci est de la responsabilité des clubs de races de chaque pays. Le pool génétique est une composante essentielle de la gestion génétique. Heureusement, certains clubs de race ont initié des études pour tenter de comprendre la situation. Ces clubs de race ont de plus en plus conscience de l’importance d’une coopération internationale pour le développement de stratégies de gestion génétique à l’échelle de la race. On peut cependant regretter que la belle initiative de la SWD-I n’a, à ce jour, toujours rien produit… Pourtant, plus le temps passe et plus la menace de vulnérabilité du chien-loup de Saarloos s’étend.

La consanguinité, la perte de diversité génétique, l’incidence des maladies génétiques, la petite taille de la population effective rendront la gestion génétique du chien-loup de Saarloos de plus en plus difficile. Les indicateurs sont dans le rouge, il est temps d’agir !


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